II a beau avoir sauté, à quinze ans, du huitième étage d’un immeuble dans la poudreuse, Guerlain Chicherit, 43 ans, n’a rien d’un casse-cou irréfléchi. Comme tous les adeptes de freeride alpin, il prépare ses descentes avec d’autant plus de soin qu’il a conscience des risques encourus. De son titre de champion du monde de la discipline en 2000, jusqu'à son parcours d’entrepreneur aujourd’hui, cet enfant de la montagne, qui a grandi à Tignes, ne s’est jamais éloigné de cette ligne.
Bilan : son groupe hôtelier DeSavoie ne cesse de grandir. Avec un millier d’employés pour 60 millions d’euros de chiffre d’affaires, l’entreprise abrite, dans des stations de haute altitude, une vingtaine de chalets, autant d’hôtels mais aussi une dizaine de résidences reconverties à des standards écolos. Pour ajouter à cette liste, Guerlain Chicherit et le rappeur Orelsan ont inauguré, à Tignes, la salle de concert Le Strike le 16 février.
C’est une belle revanche sur la vie pour ce jeune orphelin de père, dont la mère enchaînait les petits boulots afin d’assurer sa pitance. Cette dernière a eu la bonne idée de le poser sur des skis à deux ans, puis dans un premier cours de judo dix ans plus tard.
Du ski, Guerlain Chicherit a fait une passion en se jurant de devenir champion du monde. Le judo, dont il a été champion de France, l’a structuré.
"À l’adolescence, le sport évite de prendre de mauvais tournants, sourit-il, avec ce ton amusé de ceux qui ont canalisé leur énergie débordante vers des performances hors normes. Je n’étais pas très compatible avec l’école. "
Sur la neige en revanche, il excellait. A tout juste 19 ans, il décrochait son premier titre de champion du monde de freeride. Le prodige, qui se dit plutôt « travailleur acharné », s’est vite associé avec la marque de skis Dynastar. « Lorsqu’on est enfin financé, le risque est de s’endormir sur ses lauriers, prévient-il. II ne faut rien lâcher.
La difficulté commence lorsque l’on doit reproduire ses victoires. » En 2003, chatouillé par une vieille passion, il s’est lancé dans la course automobile. Ses débuts chez Citroën comptent autant de belles performances que de tôles froissées. « Je n’avais aucune technique, mais je roulais très vite »,explique-t-il. Lasse d’empiler les épaves, l’écurie aux deux chevrons l’a remercié.
Guerlain Chicherit a continué avec BMW, sur des rallyes internationaux et sur de multiples Dakar. En 2007, prisonnier d’une minerve après un accident de rallye, il a décroché sa quatrième coupe de championnat du monde de freeride. Puis, il est devenu, en 2009, champion du monde des rallyes tout terrain.
Ce n’est qu’ensuite que ce père de trois enfants s’est consacré à l’immobilier, en bâtissant, de ses propres mains son premier chalet, avec une poignée d’amis, en vue de le louer. Celui-ci a été élu « Plus beau chalet du monde » lors desWorld Ski Awards en 2014. II l’a louée, a construit un second chalet... l’histoire a continué. « Je
connais Guerlain depuis qu’il a 17ans,témoigne Bemard Liatti, son ancien “employeur” chez Dynastar devenu directeur général de DeSavoie. C'est un bûcheur, fidèle, qui va au bout de ses rêves.Dans le sport comme en affaires, il a toujours été visionnaire. Ainsi, l’évolution du climat lui a donné raison d'investir dans des stations d’altitude ! » Tout en gardant un pied dans la course automobile. Après les descentes de falaises et les tournants de pistes, Guerlain Chicherit a décroché une autre forme de championnat : celui de la création d’entreprise et de la revalorisation des stations de montagne. Et une fois encore, il est résolu à reproduire ses victoires.